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Florence N
1 novembre 2006

Adoption sans frontières à Hollywood

LE MONDE | 01.11.06 | 14h42  •  Mis à jour le 01.11.06 | 14h44

LOS ANGELES CORRESPONDANTE

"Devenu une cause célèbre, le bébé africain de Madonna a relancé le débat sur l'adoption internationale et le sort des 143 millions d'orphelins dans le monde. Les familles américaines adoptent de préférence dans leur pays. Mais les adoptions d'enfants étrangers, qui sont plus onéreuses, sont en augmentation (22 728 en 2005, soit trois fois plus qu'en 1990), principalement à cause des possibilités nouvelles en Chine et en Russie, les deux premiers pays pour le nombre d'enfants adoptés par des Américains (suivis du Guatemala, de la Corée du Sud et de l'Ukraine).

Les stars sont-elles en partie responsables de cette tendance ? Et auraient-elles droit à des traitements de faveur, surtout quand elles ont des activités charitables dans les pays où elles adoptent ? Pour trouver l'enfant qu'elle a recueilli en Afrique, Madonna a visité des orphelinats qu'elle finance par l'intermédiaire de sa fondation, Raising Malawi. Cette dernière, qui soutient des programmes humanitaires au Malawi, est une initiative de Michael Berg, fondateur du Hollywood Kabbalah Centre, dont la star est une disciple.

DE TOM CRUISE À ANGELINA JOLIE

Avant Madonna, l'actrice Angelina Jolie, qui avait déjà recueilli un petit Cambodgien, a adopté Zahara, une petite fille éthiopienne dont la mère est morte du sida et qu'elle a recueillie sans savoir si elle était contaminée ou non (elle ne l'est pas). Récemment une autre actrice, Meg Ryan, a adopté une petite fille chinoise, Daisy True. L'acteur Ewan McGregor et sa femme ont recueilli une petite fille venue de Mongolie, âgée de 4 ans. Et James Caviezel et sa femme ont adopté un petit garçon chinois, Bo.

Déjà Michelle Pfeiffer, Tom Cruise et Nicole Kidman avaient adopté des enfants d'une autre race. Le cinéaste Steven Spielberg et sa femme Kate Capshaw ont sept enfants dont deux Afro-Américains, recueillis auprès de l'assistance publique. Et Mia Farrow, la pionnière, a adopté dix enfants du monde entier, dont Soon-Yi Previn, qui a ensuite épousé son compagnon, Woody Allen (le couple a adopté deux enfants).

Le réalisateur de Star Wars, George Lucas, avait adopté une fille, Amanda, à l'époque de son mariage, et a accueilli deux autres enfants, Katie et Jett, en tant que père célibataire. L'adoption par des célibataires d'Hollywood est d'ailleurs de plus en plus fréquente, comme en témoignent Rosie O'Donnell, Calista Flockhart, et Diane Keaton, qui a adopté une petite fille en 1996 et un petit garçon en 2001.

Le plus souvent, ces adoptions ont lieu discrètement, mais, depuis le coup de projecteur sur l'affaire Madonna, d'aucuns s'inquiètent que l'adoption d'un bébé issu d'un pays pauvre devienne une sorte de mode pour vedettes riches en mal de publicité, "de préférence un bébé noir arraché à un pays du tiers-monde et expédié à l'autre bout du monde en jet privé", écrit le quotidien australien Daily Telegraph. "Si la fortune de Madonna est la seule raison qui a permis de passer outre aux lois sur l'adoption du Malawi, alors toute cette histoire est répréhensible et un mauvais exemple de riches Blancs influençant les lois en Afrique à leur avantage", va jusqu'à affirmer le quotidien britannique The Independent.

Les critiques les plus virulentes visent le fait que le jeune adopté est éloigné de son père, qui reste en Afrique. "Quelques milliers de livres, soit une somme infime pour Madonna, auraient permis à David de bien vivre au sein de sa famille", écrit Vanessa Feltz dans le Daily Express britannique.

Et l'adoption est-elle la meilleure solution pour les millions d'orphelins d'Afrique ? Irene Mureithi, responsable d'une organisation humanitaire au Kenya, reflète les doutes de ses collègues : "On peut trouver d'autres solutions pour que les enfants d'Afrique continuent à vivre dans leurs communautés. Il y a un risque de confusion pour eux. Ils se demandent pourquoi ils sont noirs dans une famille blanche : pourquoi je suis là, que m'est-il arrivé ?"

La blogosphère crépite de commentaires. Jane, qui se décrit comme "une non-Blanche adoptée par des Blancs" et qui dit en avoir souffert, observe : "Une solution juste serait que l'Occident aide l'Afrique à sortir de la pauvreté, fournisse des médicaments aux malades du sida et maintienne les familles ensemble, afin que personne n'ait à abandonner ses enfants. La meilleure chose pour un enfant, c'est d'être avec son propre peuple !" "Les choix faits pour un enfant incapable de s'exprimer lui-même témoignent du caractère d'un pays", écrit dans un blog Jack Ian Mayer, avec autant de sévérité envers le gouvernement du Malawi que pour Madonna. "Un enfant trophée d'un autre pays ne témoigne pas d'un grand caractère chez un individu, mais d'un déni profond", ajoute-t-il.

Madonna, la première, s'avoue choquée par les réactions à son adoption temporaire, jeudi 12 octobre, d'un enfant du Malawi âgé de 13 mois. David, orphelin de sa mère, avait été placé dans un orphelinat par son père, Yohane Banda, un paysan illettré de 32 ans. "Je m'attends à être critiquée durement pour bien des choses que j'entreprends. Je sais qu'elles sont provocatrices, et je m'y prépare, a expliqué la vedette pop dans un communiqué. Mais je ne m'attendais pas à ce que la presse, le gouvernement ou des organisations humanitaires prennent position contre ma tentative de sauver une vie humaine."

Un collectif d'organisations humanitaires s'appuyant sur des "arguments constitutionnels" (notamment une obligation de résidence), a entamé une procédure judiciaire pour faire annuler la décision d'adoption. La première audience est fixée au 13 novembre devant le tribunal de Lilongwe, capitale de cet Etat africain parmi les plus pauvres du monde.

"UN IMPACT NÉGATIF"

La pop star a vite défendu son geste sur le plateau du talk-show d'Oprah Winfrey, aux Etats-Unis, tout en reconnaissant que l'assistante sociale qui supervisait sa demande l'avait avertie de l'absence de lois au Malawi en matière d'adoption par des étrangers, "et qu'ils devraient plus ou moins les inventer au fur et à mesure".

"Cette controverse va avoir un impact négatif sur les adoptions internationales", regrette Susan Caughman, rédactrice en chef du magazine américain Adoptive Families, tout en pensant que ce phénomène d'adoptions de bébés noirs "va rester limité à Angelina et Madonna". "Des millions d'enfants ont besoin d'une famille, mais l'adoption n'est pas un geste qu'on entreprend au nom d'une cause", commente la journaliste, attentive aux réactions nombreuses de ses lecteurs.

Par le biais de ses activités charitables, l'ex-Material Girl chercherait-elle à prêcher un message spirituel ? Au Malawi, Madonna soutient un programme éducatif, Spirituality for Kids, dont le but est de "mettre fin à la souffrance et au chaos dans la vie des enfants du monde entier, en leur offrant les armes de la spiritualité, en les aidant à transformer les systèmes de croyance qui limitent leurs capacités, afin de réaliser leur potentiel et de changer leur destin"... "

Claudine Mulard

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3222,36-829665@51-829761,0.html

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