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Florence N
22 février 2007

Adoption : les obstacles persistent

Neuf mois après l'installation d'une Agence française, les candidats s'impatientent.

Par Charlotte ROTMAN

QUOTIDIEN : jeudi 22 février 2007

Les chiffres viennent de tomber. En 2006, le nombre d'enfants adoptés à l'étranger par des Français a chuté sous la barre des 4 000. Cela fait près de 160 de moins qu'en 2005, une baisse largement imputable à des obstacles administratifs. En France, 25 000 familles bénéficiant d'un agrément espèrent adopter. Cette diminution, qui risque de s'aggraver en 2007, inquiète ces candidats. D'autant qu'en 2004, Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre avait imprudemment promis de doubler les adoptions. On est loin du compte, malgré l'installation de l'Agence française de l'adoption (AFA) en mai ( Libération du 19 septembre 2006). Pour l'instant 322 dossiers envoyés à la nouvelle agence publique ont été transmis aux pays. Une seule adoption a été finalisée (lire ci-dessous). Les adoptants redoutent de figurer sur une liste d'attente à rallonge.

La plus-value de l'agence ? «Pour l'instant, pour les familles, on la cherche encore», estime Hélène Mahéo, présidente du Mouvement pour l'adoption sans frontières qui rassemble des parents par pays d'origine. «On sait que l'agence démarre, mais déjà des parents se retournent vers nous, parce qu'ils sont déçus.»

Renseignements. Depuis son ouverture, l'AFA comptabilise 324 000 connexions sur le site, 25 477 appels, 543 entretiens. «C'est devenu un goulot d'étranglement», dénoncent certains adoptants. L'AFA exige une lettre de motivation et une fiche de renseignements avant d'accepter les dossiers complets. «Cela retarde de six mois», a calculé Janice Peyré, présidente de Enfance et famille d'adoption (EFA), qui regroupe 10 000 familles. «Ce n'est pas du temps perdu, explique Laure de Choiseul, magistrate nommée à la tête de l'agence. Un exemple : le Mali ou le Burkina Faso sont sensibles à ce que les candidats connaissent leur culture (s'ils ont été enseignants, ont des liens familiaux). Cela nous aide pour faire correspondre les projets aux demandes des pays.» Des encarts sur le site insistent sur les délais. «Il y a un principe de réalité difficile à accepter pour des adoptants, dans la demande et l'émotion.»

La Chine fut la première destination «ouverte» par l'AFA. En quelques semaines, l'agence croulait sous les demandes. 150 dossiers ont été envoyés, 109 le seront dans les prochains mois. Sans compter les 359 candidatures en attente. Comme la Chine contingente les demandes, «cela fait des délais de deux à trois ans d'attente», selon l'agence. En décembre dernier, Pékin a durci ses critères d'éligibilité : dorénavant elle n'accepte plus les célibataires, ni les plus de 50 ans, ni les non propriétaires, ni les obèses... «Face à de tels critères, on peut s'étonner que l'AFA ne négocie pas. Ils se plient aux exigences des pays, de peur que les enfants soient confiés à d'autres», fait remarquer Marie-Christine Le Boursicot, membre du Conseil supérieur de l'adoption. «On ne fait rien, admet Laure de Choiseul, les pays sont souverains. Ici, on prévient les candidats, on ne veut pas leur donner de faux espoirs.» «Les pays d'origine ont le droit d'avoir leur vision de ce qu'est une famille, pense aussi Janice Peyré, présidente d'EFA. Ce serait du néocolonialisme que d'aller leur expliquer pourquoi on pense qu'un célibataire peut être un bon parent, si eux n'acceptent que les couples mariés.»

Localement. «La plus value ? Nous sécurisons l'adoption», répond Laure de Choiseul. La directrice de l'AFA va même plus loin : «Il faut la moraliser. Si j'adoptais, je ne voudrais pas que mon enfant me demande plus tard : "Combien tu m'as acheté ?"» Elle revient juste du Népal, l'un des douze pays où l'agence s'est officiellement rendue. En 2006, il y a eu là-bas 61 adoptions, soit le double du nombre habituel. Localement, quand la demande augmente, l'offre augmente aussi. Mais alors les conditions d'adoption se brouillent. «Au Népal, l'état civil de certains enfants pose problème ainsi que le consentement de la mère biologique.»

Dans un contexte de concurrence exacerbée, l'AFA doit convaincre de la qualité d'accueil de la France. «Nous allons dans les 24 pays qui se partagent 90 % des adoptions», plaide Laure de Choiseul. «Comment être plus efficace ?», s'angoissent les parents. Peut-être en allant voir chez les voisins, très offensifs. L'Italie, par exemple, qui accompagne systématiquement l'adoption de projets humanitaires (type donnant, donnant). Lundi, Laure de Choiseul s'est envolée pour le Piémont, pour comprendre ­ et peut être importer ­ les recettes de ce succès.

http://www.liberation.fr/actualite/societe/236637.FR.php

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