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Florence N
3 avril 2007

REFLEXION DU MASF SUR LE NOUVEAU VISAGE DE L’ADOPTION INTERNATIONALE.

En France, depuis le début des années 80, de nombreuses familles se sont constituées par l’adoption d’environ 80.000 enfants venus « d’ailleurs »…Les deux-tiers de ces adoptions ont été réalisées par démarche individuelle et le dernier tiers par les O.A.A..En 1987, sous l’impulsion des associations, les pouvoirs publics ont créé la Mission de l’Adoption Internationale, repère institutionnel pour guider les postulants dans les méandres des procédures. Depuis la ratification par la France de la Convention de La Haye en 1998, la MAI a assuré les fonctions d’Autorité Centrale Française, en particulier la transmission des dossiers vers les pays d’origine choisis par les futurs adoptants. Ainsi, toutes les adoptions par démarche individuelle, vers les pays signataires de cette convention, ont été menées à bien par la MAI.
En 2005, l’Agence Française de l’Adoption (AFA) a été créée pour favoriser les démarches de l’adoption internationale, devenant ainsi la troisième voie de l’adoption. Le Premier Ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, avait même imprudemment affirmé son objectif : doubler le nombre d’adoptions internationales. Les débats à l’Assemblée Nationale comme au Sénat, lors du vote de la loi du 4 juillet 2005 sur la création de l’AFA, ont également porté sur la facilitation des démarches et l’augmentation du nombre d’adoptions. Jamais n’a été envisagée la mise en place de pratiques malthusiennes, sous prétexte d’apporter des garanties morales. Que constatons-nous maintenant ? Les dirigeants de l’AFA n’hésitent pas à déclarer que les postulants qui ont fait confiance aux hommes politiques, étaient particulièrement naïfs puisqu’il ne s’agissait que de promesses électorales (par ailleurs prononcées en dehors de toute période électorale !)…
       On peut au passage se poser le problème de la nomination des responsables des agences nationales en France. Ceux-ci ne répondent en général à aucun appel d’offre, n’ont pas à faire preuve de compétence ni de connaissance particulière dans le domaine dans lequel ils devront exercer leur « art », et ne sont, pour la plupart, responsables devant personne d’autre que le ministre qui a signé leur nomination, ce qui les met rarement en position de devoir rendre des comptes aux usagers des services qu’ils ont en charge…
Il est plus que temps de tirer la sonnette d'alarme !
Lors de sa création, nous avons, il est vrai, été nombreux à douter de la capacité de l'Agence Française d’Adoption à remplir la mission qui lui était confiée. Mais aujourd'hui la situation est plus grave que ce que nous pouvions redouter puisque le nombre d'adoptions EST EN BAISSE ! Pire, on entend des propos inquiétants, révoltants : des quotas par pays au tirage au sort des dossiers, en passant par la volonté affichée de «moraliser» l’adoption, comme pour ternir l’image de l’adoption «d’avant» l'AFA. D’autre part, au cours d’une interview télévisée, le 28 mars sur TF1, Mme de Choiseul, Directrice de l’AFA, déclare que l’adoption internationale devra nécessairement impliquer une contrepartie humanitaire. N’oublions pas que de nombreux adoptants apportent de l’aide sur place de manière volontaire et solidaire. Il ne s’agit pas d’une «contrepartie» à l’adoption, mais d’un engagement fondateur du lien qui les attache désormais de façon irréversible au pays de naissance de leur enfant, lien qu’ils développeront souvent par la suite, par des actions solidaires collectives au sein de diverses structures associatives, notamment les Associations Par Pays d’Origine.
Dans un contexte où le côté humain joue un rôle prépondérant, plusieurs facteurs se conjuguent pour aboutir à une situation alarmante :
- La méconnaissance de l'AFA dans les pays dont elle sollicite l’accréditation, qui l’amène à prendre des décisions au jour le jour, dans l’urgence, et à mettre en place des méthodes de sélection inacceptables que nous craignons de voir se généraliser.
- L’inexpérience des personnels, qui ne se sont pas suffisamment inspirés des méthodes et des connaissances de la MAI. Cet état de fait, naturellement, a pour conséquences la lenteur et la confusion des réponses de l'AFA aux candidats.
- La maladresse des déclarations de ses dirigeants qu’illustrent le cynisme de certaines prises de position publiques et une suspicion flagrante à l’égard des postulants à l’adoption internationale.
- L’insuffisance de communication sur la stratégie de l’AFA.
- Le prétexte donné au manque de résultats : responsabilités un peu facilement reportées sur les pays d'origine
- L’absence de véritable partenariat de confiance avec les associations de parents adoptants et le mépris de l’apport que peuvent représenter ces associations : l’AFA s’est ainsi, volontairement, privée de la connaissance de certains pays.

Que penser de l'acceptation sans réserves des critères fixés par les pays d'origine, y compris lorsqu’ils concernent le montant des revenus et jusqu’à l’aspect physique des postulants (obésité…) ?! Comment se fait-il que durant de nombreuses années, la MAI ait réussi à passer des accords avec des pays d’origine sans devoir se soumettre à de telles exigences ? S’il est indéniable que les états ont la responsabilité des enfants, ceux-ci n’en sont pas pour autant leur «propriété», pas plus qu’ils n’appartiennent à une religion ou à une culture. La libre circulation de ces enfants doit être garantie, dans le respect de leur droit à une enfance harmonieuse et à l’amour d’une famille, droit inscrit dans les principes de la Convention de La Haye, tout comme le principe de subsidiarité qui pour nous est inaliénable.
La lenteur de l’AFA à négocier l’ouverture d'autres pays, sous des prétextes dont on aimerait comprendre les vraies raisons, a provoqué une attente de plus en plus longue, une accumulation des dossiers des candidats. Pendant ce temps, d'autres pays augmentaient régulièrement le nombre d'adoptions réalisées, preuve que ce n'est pas le manque d'enfants adoptables de par le monde qui est la cause de la situation, contrairement à certaines affirmations de plus en plus fréquentes, y compris dans la presse. Il y aurait, à entendre les responsables de l’AFA, et d’autres, trop de candidats parents et plus assez d’enfants… L’argument des fameux 25.000 dossiers de candidats en attente, éternellement ressassé par les médias, ne correspond à rien, il constitue un stéréotype de plus et voilà plus de vingt ans que nous entendons ça…
Ce que les stratèges militaires nomment des conflits de basse intensité ne diminue pas de par le monde. Ces conflits expliquent qu’il y ait autant, sinon plus d’orphelins qu’auparavant. Quand on parle de plusieurs millions de déplacés au Darfour, quand on constate qu’en sept ans l’espérance de vie au Zimbabwe passe de 62 à 39 ans, sur un continent par ailleurs dramatiquement atteint par le sida, il est difficile d’imaginer que les solidarités familiales tiennent encore, dans de telles conditions, et permettent la circulation «traditionnelle» des enfants. On peut donc faire l’hypothèse, malheureusement raisonnable, que le nombre d’enfants privés de familles juridiquement adoptables, ne baisse pas à l’échelle mondiale. Il y a, hélas, beaucoup d’enfants délaissés sur notre planète, mais heureusement, encore beaucoup de familles prêtes à les accueillir comme les leurs et pour toujours. Voilà la seule réalité concrète et crédible qui nous motive pour continuer à nous battre. Tout le reste constitue un discours que nous ne connaissons que trop bien, régulièrement nourri par les lobbys anti-adoption, et qui, de toute évidence, vise à réduire l’adoption internationale, voire, à terme, à envisager de la fermer tout-à-fait pour les mauvaises raisons ci-dessus évoquées et d’autres moins avouables.
L’intoxication d’un tel discours permet alors de faire passer toutes les idées de sélection, de tri, de tirage au sort, bref de créer une compétition insupportable entre candidats en instaurant une véritable loterie de l’adoption où c’est le hasard seul qui donnera des parents à un enfant délaissé, et non plus la décision du pays d’origine –souverain en matière d’apparentement, rappelons-le-, lui qui devrait être amené à choisir sereinement parmi les différents dossiers reçus, le ou les parents dont le projet lui semblerait répondre le mieux au besoin de tel ou tel enfant . Et pour contenir le troupeau de ces postulants dont on ne sait que faire, qui bloquent le standard de l’AFA, envahissent ses boîtes postales ou électroniques sans que l’on sache quoi leur répondre, on les canalise comme des bestiaux dans le corral d’une attente désespérée, tels des immigrés dans les files d’attente devant les préfectures, sans leur donner la moindre lueur d’espoir d’aboutir un jour…
Lors du début de la crise économique des années 1970, la réponse de l’industrie hollywoodienne fut de créer la mode des films catastrophes. Que ce soit un incendie dans une tour, le naufrage d’un navire, un tremblement de terre, un avion en perdition, tous ces films avaient comme point commun de nous mettre en face de situations périlleuses, dont la cause était naturelle, et dans lesquelles seul un petit nombre de personnes trouverait une issue heureuse, grâce à ses qualités personnelles hors du commun, aidés souvent par un destin bienveillant. On peut aujourd’hui faire le parallèle avec la situation que connaît la France en matière d’adoption internationale. Les causes naturelles sont le manque d’enfants durablement privés de familles dans le monde. C’est la doxa, et il n’y a rien à discuter à ce sujet. Comme tous ces prix Nobel d’économie qui s’ingénient à expliquer la notion de taux naturel de chômage, alors que pour la plupart ils ont connu une économie avec des taux de chômage bien inférieurs à leur prétendu taux naturel, nos responsables de l’AFA vont nous proposer bientôt le concept de taux naturel d’enfants adoptables… Et à chacun de tirer son épingle du jeu, de trouver comment quitter l’avion en détresse. La proposition de l’AFA de tirer au sort les postulants qui se verront confier un enfant au Vietnam a dû se faire au cinéma, dans quelque film où le navire sombre et où il faut tirer au sort les quelques passagers qui pourront monter dans les chaloupes de sauvetage, en trop petit nombre.
Bien que le Vietnam n’ait pas ratifié la convention de La Haye, mais en accord avec les principes d’une convention franco-vietnamienne, les dossiers transitaient jusqu’ici systématiquement vers ce pays via la MAI. 19 orphelinats confiaient alors des enfants à des adoptants français. Aujourd’hui, l’AFA nous dit être accréditée par 2 orphelinats seulement !
Conscients du temps nécessaire pour «négocier» des accords, nous avons attendu….mais faut-il rappeler que l’ouverture de l’AFA a eu lieu, il y a presque un an déjà, et que le délai acceptable nous semble largement dépassé ?
Quelle image de l’adoption, en France et à l’étranger, est véhiculée par cette AFA qui semble être dans une impasse où son propre fonctionnement l’a conduite? L'impression est de voir se construire devant nous un organisme déjà bureaucratisé, sans stratégie claire, ou plutôt si : celle de faire baisser le nombre de demandes pour atteindre ses objectifs. C’est ainsi qu’après les tergiversations de prise en compte des dossiers, par exemple, se dessinent des formes de sélection subtiles dont on ne sait plus si elles sont vraiment l’expression de la demande des pays d'origine ou la volonté de ces zélateurs, mi-privés mi-publics, de plaire à tout prix pour se voir confier des enfants… Mince et riche pour la Chine, joueur et chanceux pour le Vietnam ! Peut-on encore ici évoquer la notion d’«intérêt supérieur de l’enfant» qui inspira, des décennies durant, ceux qui se préoccupaient alors de trouver des solutions pour tous les enfants privés de famille ?
Avez-vous fait le tour des messages postés un peu partout sur des forums internet, sur les commentaires à des articles touchant à l'AFA ou à l'adoption internationale ? L'immense majorité des gens en contact avec l'AFA se plaint, exprime son désespoir, ses incertitudes… Certes, l'attente d'un enfant est une période souvent propice au découragement, à l’impatience. Mais une des tâches de l'AFA n’est-elle pas aussi d’accompagner les futurs adoptants ? De prendre en compte TOUS les aspects de l’aventure humaine que constitue leur lent cheminement vers un enfant dont ils ignorent tout : qui il sera, d’où il viendra, combien de mois, d’années, il faudra l’attendre, et dont la seule chose qu’ils sachent est qu’ils l’aiment déjà inconditionnellement. Par son improvisation permanente l’AFA ne bafoue-t-elle pas les droits de milliers de personnes qui ont reçu pour leur projet d’adoption l’agrément des Présidents des Conseils Généraux de leurs départements ? Car cet agrément donne officiellement aux postulants non pas un «droit à l’enfant», comme on le leur reproche si souvent de façon parfaitement arbitraire, mais le droit de démarrer vraiment leur démarche. Ils ont également, à ce titre, droit à un accueil convenable de la part notamment de l’organisme qui assume le rôle d’autorité centrale, droit à une écoute, et dans tous les cas à une prise en compte de leur dossier. Il n’est pas acceptable que les dossiers puissent être retournés à de futurs parents dont le projet d’adoption vient d’être agréé par les autorités françaises compétentes.
Notre responsabilité, en tant qu’associations de parents adoptifs, est de rappeler, encore et toujours, qu’il existe des enfants juridiquement adoptables dans de nombreux orphelinats. Car nous connaissons, parfois depuis vingt ans, les pays d’origine de nos enfants, et nous y retournons souvent. Notre connaissance du terrain n’a pas été prise en compte par l’AFA puisqu’elle a cantonné les associations sur un strapontin (le comité de suivi). Nous avons toujours été extrêmement vigilants quant à la nécessité absolue, impérieuse, de démarches claires, dans le respect des règles des pays d’origine et d’accueil, ainsi qu’en témoigne la charte des Associations de Parents Adoptifs Par Pays d’Origine qui a fondé notre mouvement, le MASF.
Le MASF et les Associations par Pays d’Origine qui le composent ont défini et respecté depuis plusieurs décennies les principes fondamentaux suivants qu’ils tiennent à rappeler ici et auxquels ils demeurent attachés ;   
-  Défense de l’adoption internationale
-  Adoption sans discrimination
-  Respect des législations des pays d’origine et du pays d’accueil,
-  Lutte contre toutes les formes de marchandisation de l’adoption
-  Défense de la pluralité des démarches d’adoption.
Eu égard à tous ces principes fondateurs qui continuent d’inspirer notre éthique de l’adoption, nous demandons ici que les pouvoirs publics s’interrogent sur l’opportunité d’un retour à une démarche individuelle possible vers les pays qui ne l’ont pas interdite, et que l’AFA retrouve la place qui lui était destinée à sa création, celle de la 3ème voie de l’adoption.
Pour les familles adoptives d’aujourd’hui et de demain, pour nos enfants, nous sommes et resterons vigilants chaque fois que l’éthique de l’adoption sera abîmée. Ce tirage au sort imaginé par l’AFA est une atteinte à la dignité de la personne humaine, tant pour les enfants que pour les futurs parents. Nous ne pouvons l’accepter, et nous regrettons vivement que lors du reportage pré-cité, Hélène Mahéo, Présidente du MASF qui s’élevait contre de telles pratiques, ait été purement et simplement privée de son droit de parole sans autre explication, c’est-à-dire censurée.

Nous souhaitons une AFA qui partagerait nos valeurs de l’adoption internationale, et s’appuierait, dans son fonctionnement, sur les acquis de la MAI. Nous serions alors motivés pour une véritable coopération. Critiques, certes, nous le sommes - l'occasion nous en est, hélas, souvent donnée -, mais toujours constructifs, car nous voulons que l'adoption reste un espoir, offrant des milliers d’enfances possibles à tous les enfants privés de famille, ici ou ailleurs.

       Mouvement pour l’Adoption Sans Frontières
       Le 2 Avril 2007
http://masf.free.fr/04-news/REFLEXION_MASF_NOUVEAU_VISAGE_AI.txt

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