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Florence N
16 mai 2008

Radka, Boris et Maria, orphelins bulgares, seront bientôt adoptables

Les mineurs de ces "Maisons d'enfants privés de soins parentaux" ont souvent des parents, mais qui ne les contactent jamais ou presque. Récupérés par l'assistance sociale dans la rue ou dans leur foyer, les enfants peuvent n'avoir aucun échange avec leurs familles, roms pour la plupart, jusqu'à leur majorité. Il arrive qu'elles soient à l'étranger. Ces enfants délaissés sont donc condamnés à rester jusqu'à 18 ans dans ces orphelinats, puisque leurs parents n'ont pas renoncé à leur autorité parentale.

Jusqu'alors, ils ne pouvaient pas être considérés comme adoptables, et c'est ce que veut changer le gouvernement bulgare.

Selon le projet d'amendement, les parents qui abandonnent leurs enfants aux soins de l'Etat sans se manifester pendant plus de six mois se verront déchus de l'autorité parentale. Leur enfant sera dès lors considéré comme "abandonné de fait". De nombreux enfants pourraient ainsi devenir adoptables, d'abord au niveau national, puis international. "Beaucoup de nos enfants abandonnés ne trouvent pas de candidats à l'adoption en Bulgarie. Pour la plupart, ils sont roms ou handicapés, voire les deux", précise Sylvia Tsanova, directrice de l'agence pour l'assistance sociale à Sofia.

Les orphelinats font depuis le début de l'année l'objet de scandales à répétition : il y a eu des cas de mauvais traitements à Moguilino (nord-Est), des violences à Plovdiv (sud) et même une affaire de meurtre et de pédophilie à Tran (ouest). L'émotion a été telle que le gouvernement a été obligé de remettre en question la "nouvelle stratégie de protection de l'enfance" mise en place il y a à peine deux ans.

Dans l'urgence, il a décidé la fermeture de huit établissements particulièrement sordides, dont ceux de Moguilino et Tran, d'ici à fin 2008 et débuté une inspection générale de tous les établissements. Mais, financièrement, le sort des enfants est laissé aux bons soins des chefs d'établissement, qui courent les sponsors privés et publics en Bulgarie comme à l'étranger.

Les enfants de ces "maisons", qu'ils soient valides ou invalides, victimes de maltraitance, délaissés faute d'argent, ou hébergés là parce qu'ils habitent trop loin de l'école, et, bien sûr, les orphelins, le savent. Leur seule chance est de tomber dans un bon établissement. A Daskal Botyo, au pied du mont Botev, à 140 km au sud-est de Sofia, la directrice ne se fait pas d'illusions. "Ici, l'essentiel c'est de sauvegarder la santé physique de l'enfant. Il ne s'agit pas de les éduquer", explique Lioudmila Cherekova. Elle a installé un système de vidéosurveillance dans son bureau et les 40 enfants de 7 à 18 ans, handicapés ou non, se gèrent pêle-mêle, soutenus par des éducateurs plein de bonne volonté mais sans moyens. A Tran, ce n'est guère mieux : il y a un an les enfants dormaient encore sur des matelas à même le sol.

Situés dans des villages isolés, ces établissements ont été construits à l'époque du bloc de l'Est, lorsque les communistes voulaient cacher tout ce qui ternissait l'image du pays. A Daskal Botyo, dans la commune de Kalofer, le bâtiment décrépi, aux vitres brisées et aux sanitaires détériorés, devait devenir à l'époque un orphelinat modèle adossé à une usine de textile pour employer les orphelins à leur sortie de l'institution après 18 ans. Aujourd'hui, la bâtisse ne peut plus se chauffer : l'énorme chaudière ne fonctionne plus, seuls quelques radiateurs offerts par une association française, Bonne Mine, sont installés dans les chambres. Guergana (19 ans), qui y a passé dix années de sa vie, se souvient des hivers entiers par - 11o, sans eau chaude. Elle ne quittait jamais l'anorak.

La vie des orphelinats repose essentiellement sur la capacité des directrices à bien s'entourer politiquement et économiquement. Si les 79 enfants de Bratzigovo ont tous le sourire, c'est que la directrice Nina Naidenova n'a pas hésité à traverser la Bulgarie pour dénicher des sponsors et les fidéliser. Ici, on trouve nourriture correcte, salle informatique, terrain de sport, jardin : les enfants ont une vraie vie.

Le secret, ce sont des sponsors réguliers d'abord, qui permettent d'avoir des sanitaires en état, d'acheter des sommiers, de réparer les machines à laver, de poser des portes, voire de développer un projet pédagogique pour préparer les enfants à rejoindre un jour la vie des autres ; ensuite, entretenir un rapport individualisé avec les enfants ; enfin, et surtout, avoir du personnel qualifié : jeunes éducateurs formés et motivés, psychologues compétents pour s'occuper des handicapés.

Certains établissements réalisent ainsi de petits miracles. A l'orphelinat Olga Skobeleva de Plovdiv, Boris et Anastassia, deux petits handicapés âgés de 7 ans arrivés muets d'un établissement sinistre il y a huit mois, commencent à prononcer leurs premiers mots grâce à un travail individualisé avec la psychologue.

Ici comme ailleurs, le budget alloué par l'Etat est symbolique : 3 levas (1,5 euro) par enfant et par jour pour la nourriture. 15 levas pour le reste : vêtements, soins, salaires, entretien du bâtiment, etc. Depuis la décentralisation de 2003, "les salaires se sont effondrés et de nombreux spécialistes ont quitté les orphelinats, surtout les plus isolés", affirme Stamena Stoianova, directrice de l'orphelinat Olga Skobeleva. Son credo ? "Créer des lobbys pour défendre les besoins des orphelinats dans les mairies et auprès des ONG." L'Agence nationale de protection de l'enfance compte, quant à elle, sur la relance de l'adoption pour améliorer le sort de ces enfants."

Anne Rodier

Article paru dans l'édition du 15.05.08.

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/05/14/radka-boris-et-maria-orphelins-bulgares-seront-bientot-adoptables_1044750_3214.html

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